« Je veux devenir une légende. » Le vœu formulé par Paul Pogba dans les colonnes de So Foot en mai dernier pourrait bien se réaliser. Son transfert de la Juventus Turin vers Manchester United pour 120 millions d’euros, en passe de se concrétiser avec l’annonce de sa visite médicale ce dimanche, fait de lui le joueur le plus cher de l’histoire du football. Il entre ainsi dans la postérité, ne sera plus jamais scruté de la même façon. Il y aura un avant et un après dans sa carrière, qui n’en est finalement qu’à ses balbutiements à seulement vingt-trois ans. Annoncé comme la future star planétaire, autant pour ses qualités footballistiques que pour son style hors des terrains et sa puissance marketing de feu, Pogba entre dans une dimension dont il a toujours rêvé. Mais ce n’est pas une fin en soi, bien au contraire. Ce n’est que le début d’un chemin encore long, sur lequel il n’aura quasiment plus le droit à l’erreur.
Pogba héritier de Mendieta
Il ne tient qu’à lui de justifier la somme record dépensée par les Red Devils pour rapatrier un joueur laissé libre à l’été 2012 et qui a éclos au plus haut niveau en Italie. Voilà pourquoi le plus dur commence pour « Pogboom ». Jamais dans l’histoire du football un joueur non-offensif n’avait coûté plus de 53 millions d’euros, ce « record » appartenant à Eliaquim Mangala quand il est passé du FC Porto à Manchester City en 2014. Parmi ceux évoluant dans le même registre que Pogba, Gaizka Mendieta avait quitté Valence pour la Lazio Rome contre un chèque de 47 millions d’euros à l’été 2001. Une autre époque et d’autres mœurs. Le natif de Lagny-sur-Marne fait exploser un plafond de verre avec son transfert, tant il évolue à un poste où les clubs sont longtemps restés frileux à l’idée d’investir massivement. Parce que la clé dans le football reste le but et que les attaquants ont toujours eu cet avantage sur les autres, au moment de décerner les récompenses individuelles, d’établir les classements subjectifs des plus grands de l’histoire et de fixer leur cote à l’Argus.
« Créer le nouveau milieu de terrain »
Pogba n’est pas une machine à marquer (trente-quatre buts toutes compétitions confondues en quatre saisons avec la Juventus Turin), ni à délivrer à des passes décisives (quarante-trois sur la même période). Son atout maître, ce qui le classe dans une catégorie à part de ses contemporains, c’est qu’il sait tout faire, et plutôt bien. Comme il l’avouait lui-même à So Foot, il a envie de « créer le nouveau milieu de terrain », qu’il décrit ainsi : « Il sait récupérer le ballon, il sait remonter le ballon, il sait faire le jeu, il sait faire des passes, il sait marquer. » Ce n’est un secret pour personne, le milieu des Bleus (38 sélections) a toutes ces cordes à son arc. Pogba est l’un des plus grands talents nés dans les années 90, si ce n’est le plus grand. Mais ce potentiel demande encore à être exploité pleinement, à ne plus laisser ce sentiment d’inachevé parfois tenace au moment du rendu de sa copie. Rien de plus normal à son âge. Sauf que le prix de son transfert, qui lui sera désormais attaché au cou à chacune de ses sorties, ne lui permettra plus le moindre jour sans.
Pogba seul face à son destin
Pogba devra vivre avec ce poids sur ses épaules jusqu’à la fin de sa carrière, même si la pression a toujours donné la sensation de le galvaniser plutôt que de l’écraser. D’autant qu’en revenant à Manchester United, il devra aussi relever le défi de s’imposer dans un club qui ne lui a pas fait confiance une première fois. L’un dans l’autre, ça pourrait être trop. Surcoté pour les uns, joyau à polir pour les autres, Pogba n’a jamais laissé indifférent et ce sera encore plus vrai à partir de maintenant. S’il n’y a certainement aucun meilleur manager au monde que José Mourinho pour faire paratonnerre en cas de tempête autour de son joueur, celui qui portait le numéro 10 à la Juve la saison dernière se retrouve aujourd’hui seul face à son destin. Ce dimanche 7 août 2016 est le premier du reste de sa vie. Ce n’est pas une nouvelle page qu’il écrit, mais un nouveau chapitre qu’il ouvre. Celui qui doit le mener sur le toit du monde.
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